Le sel est prisé depuis toujours. De valeur d’échange (Route du sel, impôts) à moyen de conservation des aliments, il est passé à la table soit directement par la salière soit indirectement par ajout dans des plats pour ses propriétés stabilisatrices, de liaison…
Rome en donnait à ses soldats pour l’énergie puis leur octroyait une somme d’argent pour s’en procurer, c’est le salarium. Cette paie ou sou devient la solde et ceux qui la touche sont des soldats. Les mots salaire et salarié en découlent aussi.
Le sel est avant tout un nutriment essentiel pour notre organisme. Il est formé à partir d’une molécule de Chlore (Cl) et d’une de Sodium (Na). Le sel ou chlorure de sodium (NaCl) aide au maintien de l’eau dans le corps. Il aide à lutter contre la fatigue, maintient aussi notre tension, il stimule l’appétit et la salivation en exhaussant le goût des aliments. Mais en abuser peut générer davantage d’hypertension, gêner le fonctionnement du rein ou favoriser une acidité cellulaire.
L’apport alimentaire en sel provient pour 75 à 80% de celui ajouté dans les produits fabriqués par l’industrie agroalimentaire. Les 20 à 25% restant sont issus du NaCl contenu dans les aliments naturels (15%) et seulement 10% provient de celui ajouté par les consommateurs. Votre salière n’est donc pas la seule ni même la plus importante source !
Charcuteries, salaisons, fromages industriels, sauces commerciales, chips et frites, mélanges de riz ou de pâtes pré-assaisonnés, plats congelés, aliments en conserve, soupes en sachets… sans oublier le pain, contiennent de grandes quantités de sel.
Le Plan National Nutrition et Santé (PNNS) objective sur la période 2011-2015 une baisse de la présence de chlorure de sodium dans les aliments précités. L’industrie agroalimentaire, dans ses différentes filières, s’organise pour respecter ces objectifs mais au-delà de ce recul souhaitable c’est la manière de consommer qu’il faut faire bouger.
Sans culpabiliser, sans générer de confusions, il faut promouvoir ce changement en aidant les gens à choisir les aliments les moins salés mais surtout en introduisant plus fréquemment ceux qui sont riches en potassium. En effet s’il est vrai que l’augmentation du sodium se répercute à la hausse sur les chiffres tensionnels, on note aussi que lorsque les apports en potassium sont plus élevés c’est la pression artérielle qui baisse. Ainsi il faut graduellement diminuer les uns tout en privilégiant les légumes, légumineuses, fruits frais et secs et oléagineux pour garantir les 4,5g de potassium par jour.
Le sodium et le potassium principalement participent à maintenir un équilibre cellulaire. Les variations de l’un par rapport à l’autre conduisent à des modifications responsables de troubles au niveau de la contraction musculaire et de la transmission de l’influx nerveux.
Les aliments riches en potassium contiennent également des nutriments importants comme du magnésium, des oligoéléments, des fibres. Voilà d’autres bonnes raisons pour les consommer avant de s'afférer sur une calculette pour estimer les apports journaliers en sodium, car rien n’est plus difficile que de le quantifier.
Il faut tout d’abord connaître la conversion entre sel et sodium : 2,5g de sel procure 1g de sodium. La plupart des européens consomment entre 10 et 12g de sel (3 à 4g de Na) alors que les recommandations du PNNS envisagent d’atteindre d’ici 2015, 8g de sel chez les hommes adultes (3,2g de Na) et 6,5 de sel chez les femmes adultes (2,6g de Na).
En Grande Bretagne et aux Etats-Unis les normes sont plus draconiennes et approchent parfois des limites difficilement atteignables dans la vie courante sachant d’autant plus que la réduction du sel est principalement bénéfique chez les hypertendus et que les résultats escomptés de cette baisse sont moins visibles chez les individus ayant une tension normale.
Comme toujours les extrêmes ne sont pas bénéfiques. On considère qu’un aliment a une forte teneur en sel lorsqu’il contient plus de 1,5g pour 100g. Inversement, un aliment a une faible teneur en sel lorsque celui-ci en contient moins de 0,3g pour 100g.
Malheureusement les industriels ne sont pas obligés de noter sur leurs emballages les taux de sel. Je vous laisse observer quelques produits salés qui nous environnent.
Pire encore, des céréales du matin qui pêchent parfois d’un excès de sucre contiennent des apports significatifs en sel. Le pain aussi se situe dans la fourchette haute avec 20g de sel pour 1kg de farine. Sachant qu’il faut environ 220g de farine pour une baguette de 250g, on tourne autour de 4,5g de sel par baguette ou 1,8g pour 100g de pain !
D’où l’importance de modérer sa consommation et/ou de privilégier les farines moins raffinées qui garantissent des teneurs en d’autres minéraux protecteurs.
Enfin au-delà d’un risque cardiovasculaire accru, l’excès de sel semble augmenter le risque de cancer de l’estomac en endommageant à la longue sa muqueuse, entrainant alors inflammation et détérioration cellulaire et probablement une recrudescence d’Helicobacter pylori, une bactérie potentiellement pathogène pour cet organe.
En cuisine quelques règles s’imposent pour arriver à un juste milieu :
• Salez vos plats raisonnablement, une pincée de sel suffit en privilégiant les sels moins raffinés. Utilisez plutôt la fleur de sel en fin de cuisson.
• Optez pour les épices (curry, cumin, safran…), les herbes aromatiques (basilic, thym, sarriette…) et les aromates (ail, oignon, échalote…) pour parfumer vos préparations.
• Préférez, dans la mesure du possible, vos recettes aux préparations industrielles dont la quantité de sel est moins facilement contrôlable.
• Goûtez systématiquement avant de saler ou de resaler !
Alors Guère de sel ou Guerre au sel ?
Pascal Guerit
Docteur en Pharmacie
DU Diététique et Nutrition